Actualités

Contournement d’Arles : l’autorité environnementale émet de sérieuses réserves

Près de trente ans après les premières ébauches, le projet de contournement autoroutier d’Arles franchit une étape décisive. L’Autorité environnementale vient de rendre public son avis et pointe plusieurs enjeux critiques et notamment le risque d’inondation.

Un projet sous haute vigilance

Point fort du dossier : l’Autorité Environnementale (Ae) souligne que l’aménagement, destiné à sortir près de 80 000 véhicules quotidiens du centre-ville, s’inscrit dans une zone déjà classée inondable. Elle alerte sur le fait que la construction de remblais pour la route et les infrastructures annexes pourrait aggraver la situation pour plus de 10 000 bâtiments riverains. L’avis épingle notamment la création de diffuseurs, d’aires de repos et le réaménagement de tronçons en zone inondable, dont la compatibilité avec la prévention des crues soulèvements de vives interrogations.

Pour mémoire, en décembre 2003, la ville d’Arles avait subit la plus importante inondation jamais mesurée dans la région, avec 16 millions de m³ d’eau stagnant jusqu’à 1,80 m de hauteur dans certains quartiers. La crue avait causé d’immenses dégâts matériels estimés à plus d’un milliard d’euros et touché plus de 12.000 personnes et 400 entreprises locales. Les quartiers Nord, comme Trébon et Monplaisir, avaient été particulièrement touchés.

Le Rhône à Arles ®J-Luc Moya • 2 Degrés

Recommandations pour plus de sécurité

L’Autorité environnementale se montre très réservée et formule plusieurs préconisations fermes : éviter tout remblai non indispensable dans le lit majeur, maximiser la transparence hydraulique de l’ouvrage et renforcer la protection des quartiers particulièrement exposés (Trinquetaille et Barriol), à la croisée des risques « crues du Rhône » et « submersion marine ». Elle souligne également l’importance de revoir certains choix techniques, en exigeant davantage de justifications et la recherche de solutions alternatives pour minimiser la vulnérabilité humaine et économique.

Biodiversité, artificialisation et ressource en eau : autres points noirs

Derrière le risque d’inondation – jugé principal par l’Ae – d’autres enjeux s’invitent dans le débat : la perte de terres agricoles (de 170 à 230 hectares), la menace sur la biodiversité et les zones humides, l’émission de gaz à effet de serre lié au chantier et la préservation de la ressource en eau, alors que la nappe de la Crau, vitale pour 300 000 personnes, pourrait être impactée par la réduction des surfaces naturelles rechargeant la nappe phréatique.

Une opposition qui se structure

Face à ces réserves, les collectifs opposés au projet entendent intensifier leur mobilisation, soulignent l’absence de prise en compte des solutions alternatives comme le fluvial ou le ferroviaire, et la nécessité de préserver le territoire et ses habitants d’une transformation risquée et irréversible. Le Collectif “En travers de la Route” est largement mobilisé sur ce dossier, structure auxquelles les associations adhérentes FNE13 comme Agir pour la Crau, Vigueirat Nature ou le Collectif des Riverains de Pont-de-Crau adhèrent.

La question de la gratuité de ce contournement est également remise en cause, ce qui toujours selon le collectif, entraînera des reports de mobilité sur des axes secondaires.

Vers une enquête publique décisive

Dans le cadre de l’enquête publique prévue du 17 novembre au 19 décembre, l’avis de l’Autorité environnementale sonne donc comme un signal d’alerte pour la société civile et les décideurs. Si le projet va de l’avant, il restera à s’assurer que la sécurité des populations et l’intégrité écologique du territoire soient, enfin, au cœur des arbitrages finaux.


Quelques exemples des réserves émises

  • Le projet prévoit d’importants rappels dans le lit majeur du Rhône, ce qui soulève de sérieux doutes sur la compatibilité avec les règles de prévention des inondations, en particulier après les crues de 2003, et dans un contexte de changement climatique.
  • Le risque d’aggravation des inondations concernerait directement plus de 10 000 bâtiments situés à proximité du tracé, la MRAe réclamant une justification plus poussée ou la reconsidération de certains choix techniques.
  • L’Autorité recommande d’augmenter au maximum la transparence hydraulique de l’ouvrage pour limiter l’élévation de la ligne d’eau en période de crue.
  • La protection des quartiers de Trinquetaille et Barriol doit être renforcée en prenant en compte le cumul des risques « crues du Rhône » et « submersion marine ».
  • Un manque de clarté persiste quant aux hauteurs de remblais et à la localisation des aires de chantier sur la totalité du projet, l’Ae exige une présentation plus précise.
  • La prise en compte des épisodes de précipitations extrêmes (pluies cévenoles) et l’intégration actualisée des scénarios d’adaptation au changement climatique seraient incomplètes et doivent être renforcées dans l’étude.
  • Les pertes agricoles et l’artificialisation des sols inquiètent, environ 230 hectares concernés ; la compensation prévue demande à être détaillée afin d’éviter toute perte nette de biodiversité.
  • La nappe phréatique de la Crau, ressource stratégique pour 300 000 personnes, pourrait se retrouver fragilisée par une diminution de sa surface d’alimentation naturelle, un aspect à intégrer et à chiffrer dans le dossier.
  • Le cumul des risques naturels (crues, ruissellement, remontées de nappe, submersion marine) n’est pas assez analysé : la MRAe demande des scénarios prenant en compte la concomitance de ces phénomènes extrêmes.
  • Des doutes subsistent sur le bénéfice réel pour la ville en matière de réduction de nuisances urbaines et de pollution, alors que les impacts négatifs sur les milieux naturels et l’environnement global ne sont pas encore suffisamment compensés ou évités.