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FIBRE EXCELLENCE TARASCON VEUT IMPOSER SA LOI

COMMUNIQUÉ DE PRESSE COMMUN

Nous, associations environnementales, Les Flamants roses du Trébon, Agir pour la Crau, France Nature Environnement Bouches-du-Rhône, Naccica, la Ligue de Défense des Alpilles, le Collectif des Riverains de Pont-de-Crau, avec le plein soutien de Nature Comminges, l’association œuvrant dans le même sens pour l’usine sœur Fibre Excellence Saint-Gaudens, confrontée à des problèmes similaires, et d’autres associations souhaitant préserver notre environnement, à l’approche de l’audience du 13 juillet du tribunal de Toulouse qui pourrait bien donner un avis final concernant l’auto-offre de reprise sous conditions de l’actuel actionnaire, n’osons imaginer que l’État français accepte les conditions « environnementales » posées par ce dernier, celles qui étaient encore à lever : une ristourne substantielle sur les taxes pour utilisation et rejets (induisant une pollution considérable) de l’eau du Rhône dues à l’Agence de l’eau ; un moratoire de deux ans pour les investissements environnementaux.

L’État a pour mission de protéger les citoyens français, pas d’accéder de façon récurrente aux demandes léonines de la filiale d’un conglomérat indonésien qui fait à l’évidence ses profits ailleurs qu’en France.

La protection de l’environnement est une de ses missions, ô combien d’actualité en 2021. L’industriel a beau clamer qu’il s’est complètement mis aux normes, nous avons toutes les raisons de ne pas le croire ; d’où, d’ailleurs, sa demande de moratoire. Le Conseil d’État vient d’ordonner à l’État de prendre toutes les mesures utiles d’ici le 31 mars 2022 pour appliquer la Loi Climat et remettre la France sur la bonne trajectoire de réduction des gaz à effet de serre.

Comment l’État pourrait-il à présent accepter un moratoire de deux ans sur les investissements environnementaux nécessaires et exigés par l’État lui-même pour que cette usine respecte les seuils de rejets dans l’air ? Nous demandons d’avoir à nouveau accès aux analyses effectuées, et que l’État s’assure qu’elles le soient – nous parlons d’analyses effectuées par des organismes indépendants, pas d’autocontrôles…

Il est parfaitement possible, en 2021, de réduire drastiquement la pollution d’une usine, fût-elle de pâte à papier.

Il y a même, désormais, des techniques pour supprimer complètement les odeurs infectes, inacceptables en 2021, qu’elle continue à répandre. L’industriel a d’ailleurs demandé un devis en ce sens à une société franco-catalane, qui le lui a fourni. Il n’a pas donné suite.

La protection de la santé des riverains de l’usine (un bassin de quelque 100 000 habitants) est une autre des missions de l’État. Quid de l’étude épidémiologique que devait lancer l’ARS à ce propos ? Il y a des suspicions sur les effets de la pollution émise par cette usine. Si elles s’avéraient, quid du coût que cela représenterait pour la société, que personne ne se soucie d’évaluer ? Les capteurs de SO2 et H2S ont été enlevés, nous ne savons même plus quelles sont les quantités de souffre envoyées dans l’air par l’usine.

La garantie de la sécurité des riverains en est encore une autre. L’usine est outrageusement sous-entretenue depuis dix ans, toujours dans la quête du moindre coût. Nous attendons toujours que nous soient communiqués les rapports sur le début d’accident qui a eu lieu à l’usine le 7 mai, que l’usine a à l’évidence complètement minimisé dans sa communication. Faut-il vraiment qu’advienne un nouvel AZF ou Lubrizol pour que l’État s’émeuve ?

L’État a le devoir de donner accès à ses citoyens à une information transparente sur un site qui est quand même classé « Seveso » ; nous en sommes loin. Les associations environnementales doivent être à nouveau associées aux comités de suivi de site. En fait, plus la situation devient préoccupante, moins nous sommes informées…

En conclusion, nous estimons que l’État n’est pas supposé sacrifier la santé des citoyens et de leur environnement, ainsi que leur sécurité, simplement pour continuer à défendre, comme par un mouvement réflexe, « les emplois », sans jamais se poser la question des conséquences.

L’industriel ne se prive d’ailleurs pas d’en jouer. Si l’usine peut être entièrement rénovée, jusqu’à ne plus être ni polluante, ni dangereuse, nous applaudirons des deux mains (mais comment penser que cela puisse être engagé par un actionnaire qui n’a jamais fait que rechercher le moindre coût en toute chose, tout en collectionnant subventions, ristournes et dérogations de l’État ?).

S’il est au contraire avéré que cette usine ne peut être considérée comme saine et sûre sous la direction du présent actionnaire, et puisqu’aucun autre ne s’est présenté depuis 2017 – année où l’usine a été mise en vente –, peut-être faut-il que l’État fasse un pas de côté – un pas vers l’avenir.
Un avenir où les considérations prioritaires seraient la santé et la sécurité des hommes.
Position d’autant plus facile à prendre, en réalité, que le passé, lui, nous a à de nombreuses reprises enseigné comment finissaient les histoires similaires à celles de Fibre Excellence Tarascon : l’actionnaire, après avoir exigé moult sacrifices de ses employés et empoché force subventions de l’État, met la clé sous la porte en laissant sur le carreau des salariés révoltés, et un État impuissant qui n’avait rien vu venir. L’usine de Tarascon est dans un tel état de vétusté que cela ne devrait guère tarder à arriver… si un accident ne règle pas son sort avant. L’État français a plus que les moyens d’accompagner réellement des salariés, il suffit qu’il en ait vraiment la volonté.

Nous savons tous qu’il est plus que temps d’ouvrir réellement le chantier de la transition énergétique : ne pourrait-on faire l’effort d’imaginer un autre avenir industriel pour le site ?
Pour la ville de Tarascon, l’« usine qui pue » est une nuisance depuis 70 ans, dévaluant le prix de l’immobilier, dissuadant certains de s’y installer ou les en chassant, empêchant le développement du tourisme dans une cité au passé historique et au patrimoine immobilier et monumental absolument exceptionnels… Quid des emplois perdus du fait de la non-modernisation de l’usine ?

Nous demandons donc que l’État joue enfin son rôle.

S’il ne le faisait pas, s’il nous livrait, pieds et poings liés pour deux ans, à un industriel qui, lui, joue sa partie comme il l’entend, pour son plus grand profit, c’est l’État que nous tiendrions pour responsable. Nous avons suffisamment informé, et à de très nombreuses reprises, ses divers représentants pour qu’ils ne puissent pas dire : « Nous ne savions pas. »
Il ne nous resterait plus, alors, qu’à déposer plainte au niveau européen. Mais, comme nous le disions, nous n’osons penser qu’une option aussi aberrante soit envisageable…