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Fourques : le port de (com)plaisance

Deux associations environnementales du Pays d’Arles montent au créneau pour dénoncer les risques et les incohérences du projet de port fluvial à Fourques, au bord du Petit Rhône.

Alors que l’enquête publique est achevée, « Nature et Citoyenneté Crau Camargue Alpilles » et « Les flamants roses du Trébon », membres du réseau France Nature Environnement 13, tirent la sonnette d’alarme sur les impacts écologiques et le manque de transparence.

C’est la Communauté de Communes Beaucaire Terre d’Argence (CCBTA) qui porte ce projet de création d’un port fluvial sur le petit Rhône à Fourques d’une capacité de 314 anneaux. Il prévoit d’aménager dix hectares sur un site naturel protégé, ce qui soulève de nombreuses critiques.

Sur le plan pratique, le port devrait s’étendre sur trois sites, distants d’au maximum 3,7 km :

  • Le site même du port comprenant le bassin et ses aménagements. Il est localisé à l’extrémité Sud-Est du territoire communal, entre le Petit Rhône et la digue de protection contre les inondations, secteur dit des ségonnaux.
  • Les espaces prévus pour accueillir le stockage temporaire des terres extraites du site du port pour la création du bassin. Ces sites sont également localisés au Sud-Est de la commune. Le 1er est localisé à la sortie Ouest du village, à environ 1,5km du site du port. Le second est situé un peu plus au Nord en zone agricole et est distant d’environ 3,7km du site du port.
Source : CCBTA – Dossier de concertation

Inquiétudes sur le dossier et l’environnement

Les associations reprochent l’absence de certaines pièces essentielles dans le dossier, notamment une étude technico-économique récente et complète de rentabilité. Selon Alexandre Regnier, secrétaire de l’association « Les flamants roses du Trébon », “l’accès à la totalité des pièces du dossier n’a pas été permis, nuisant à la démocratie locale et à la rigueur du débat.​”

Sur le plan environnemental, le projet implique la destruction de 1 500 m2 de ripisylve. Ces dernières constituent des habitats aux multiples ont rôles pour le territoire : rôle écologique et de corridor écologique, rôle de filtre pour la qualité de l’eau, rôle de régulation de la température de l’eau, rôle de maintien des berges vis-à-vis de l’érosion ou encore rôle de ralentissement de l’onde de crue. Celle concernée par le projet représente un enjeu écologique fort car elle constitue un corridor écologique d’importance pour les chiroptères et les castors. Elle abrite également une avifaune riche.

Or, il est mentionné dans l’étude d’impact que le projet n’aura pas « d’impact notable » sur les poissons. Pourtant, le Petit Rhône est inclus dans le contexte piscicole du “Rhône aval”, avec comme espèce repère le Brochet, espèce particulièrement sensible à son habitat et son état biologique. De même, l’Anguille d’Europe est une espèce cible du secteur, en danger critique d’extinction, présente sur les bords des rives pour s’y abriter (zone d’habitat). Cette espèce aurait dû être mentionnée.

Sur la zone de projet, de par la nature des essences d’arbres qui la compose, elle est un habitat communautaire Natura 2000 de type « forêts méditerranéennes de peuplier, d’orme et de frênes (code 92A0). Les surfaces de ces peuplements forestiers ont tendance à diminuer à cause des projets d’aménagements.

De son côté FNE Ocmed met en avant ses inquiétudes concernant la question de l’eau. La méthode de compensation de la zone humide qui va être détruite n’est pas précisée dans le dossier. Le projet ne peut pas être validé sans mesure compensatoire pour la perte de cette zone humide. La replantation d’une rypisilve n’est pas une mesure compensatoire de destruction de zone humide, parce qu’il ne s’agit que de compenser la fonctionnalité écologique de la zone humide, et non ses fonctions hydrologiques.

Il y a aussi une inquiétude majeure concernant les effets du creusement du bassin sur la présence d’un nappe affleurante « Alluvions du Rhône du confluent de la Durance jusqu’à Arles et Beaucaire et alluvions du Bas Gardon ». Cette nappe est stratégique pour l’alimentation en eau potable. L’enjeu est majeur pour les populations locales. Il convient de s’assurer de l’absence d’impact du projet sur la nappe affleurante.

Certains acteurs consultés estiment enfin que le projet n’est pas compatible avec les objectifs du SDAGE Rhône Méditerranée et le SAGE Camargue Gardoise.

Le risque inondation sous-évalué​

Les mesures de sécurité pour une éventuelle crue du Rhône restent jugées « sous-évaluées » par les associations, qui regrettent l’absence d’alternatives sérieuses et respectueuses de la biodiversité locale.

Le risque d’inondation est un enjeu majeur qui mérite une attention particulière. Les associations membres du réseau France Nature Environnement 13, dénoncent une sous-évaluation de ce risque, pointant du doigt des données controversées sur les débits de crue retenus pour la sécurité du projet.

En effet, la Compagnie Nationale du Rhône (CNR) n’a jamais avalisé la valeur de 11 500 m³/s utilisée par la conférence de consensus pour la crue d’Arles de 2023, s’appuyant plutôt sur une mesure corrigée plus élevée de 12 600 m³/s. Cette différence met en doute la capacité du futur port à résister à une crue exceptionnelle, ce qui pourrait nuire à la sécurisation de cet aménagement et exposer la zone à des risques accumulés d’inondation.

Par ailleurs, aucune alternative sérieuse n’aurait été étudiée pour minimiser ces risques. Ce contexte appelle à une réévaluation rigoureuse des données hydrologiques et environnementales afin de garantir une gestion responsable et sécurisée face aux risques d’inondation dans cette zone sensible.

Un appel à l’abandon soutenu par France Nature Environnement Occitanie-Méditerranée

Les critiques portent aussi sur la vétusté de l’inventaire faune/flore (réalisé en 2018 alors que la loi impose qu’il date de moins de cinq ans). Alexandre Regnier qualifie le projet de « trop bancal, mené par un maire jusqu’au-boutiste, à contre-courant des impératifs actuels ».

Le préfet pourrait délivrer, avant la fin de l’année, la déclaration d’utilité publique permettant de lancer les travaux. Une inauguration est prévue pour 2028.


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