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Liaison routière Fos-Salon : Le projet présenté ne répond pas aux objectifs visés !

La Commission Nationale du Débat public organise les échanges autour de l’opportunité de ce projet. Ils auront lieu jusqu’en décembre 2020.

Ce projet routier de 25 kilomètres reliant la zone portuaire de Fos-sur-Mer et l’autoroute A54 vise, selon le maître d’ouvrage, la Dreal Paca, à améliorer la circulation en facilitant le contournement de Fos-sur- Mer et les conditions de desserte de Salon-de-Provence, Grans, Miramas et Istres.

Notre Fédération met en avant de nombreuses problématiques liées à ce projet telles que la santé et la pollution, la sécurité routière, l’impact sur l’agriculture et sur le foncier. Elles sont synthétisées dans un “cahier d’acteur” dont vous trouverez le contenu ci-après.

Améliorer la liaison entre les différents pôles urbains […]

Les liaisons entre les pôles urbains de Salon, Miramas, Istres et Fos ne souffrent pas d’un manque de maillage d’infrastructures (sauf cyclables) : la circulation routière y est fluide … en dehors des heures d’entrée et de sortie des entreprises, administrations, établissements scolaires … Comme prouvé dans toutes les agglomérations européennes, multiplier les infrastructures routières pour les déplacements pendulaires ne résout rien, bien au contraire : ces déplacements doivent impérativement être effectués majoritairement par des modes alternatifs à la voiture particulière en solo : vélo, covoiturage et transport collectif principalement, ce qui est d’autant plus justifié sur un territoire de plus de 100 000 habitants.. Si des améliorations d’infrastructures devaient être mises en œuvre au titre de cet objectif, elles doivent concerner ces modes ‘alternatifs’. Pire, donner l’impression qu’on pourra gagner du temps en voiture peut aller à l’encontre des objectifs visés.

Développer l’intermodalité en incitant à l’adoption de moyens alternatifs à l’utilisation de la voiture individuelle en proposant des points de connexion avec les transports en commun

Le dossier du maître d’ouvrage est bien pauvre sur ce volet majeur de la problématique posée. A peine les plates-formes logistiques sont-elles localisées, et des aires de covoiturage évoquées. Où est l’intermodalité ?

Contribuer à accroître la compétitivité du GPMM […] en améliorant significativement les connexions entre le port, sa couronne logistique de proximité et son hinterland […]

De l’avis unanime des acteurs, l’attractivité du port est étroitement liée à la performance de ses connexions ferroviaires et fluviales. Le projet proposé ne modifie rien sur ce point. L’amélioration proposée de la route permettrait de gagner, selon les heures, de 5 à 15 mn (cf. dossier du Maître d’ouvrage) sur des trajets de une à quatre heures

Fluidifier et améliorer la sécurité de la circulation sur cet axe majeur […]

Le dossier du maître d’ouvrage fait état d’une moyenne de 6 accidents par an sur l’itinéraire, dont 2 mortels. C’est beaucoup trop, le double de la moyenne nationale si l’on en croît le même dossier. Et c’est dramatique. Pour autant, de quels accidents s’agit-il ?  De chocs frontaux pour lesquels effectivement la séparation des flux de sens opposés peut constituer une réponse, ou d’accidents liés à la vitesse, à l’assoupissement, à l’injection de diverses substances, pour lesquels une accélération des vitesses est plutôt synonyme, on le sait, d’une accidentologie aggravée ? Pour mémoire, le projet d’aménagement de la RD 268 ne fait pas partie du présent dossier.

Réduire les nuisances aux populations et les impacts sur le cadre de vie et l’environnement

Si l’objectif est louable, et même indispensable, les moyens affichés pour y parvenir le sont moins :

  • l’accroissement visé des vitesses est source d’une augmentation du bruit, et peu d’écrans acoustiques sont prévus
  • loin de générer une baisse du trafic dans les communes traversées, l’hypothèse d’une mise à péage pour les véhicules particuliers peut même se traduire par une augmentation du trafic automobile en zone urbaine
  • l’impact d’une éventuelle (et transitoire) réduction des nuisances liées aux encombrements aux heures de pointe est à comparer à ceux liés à un accroissement du trafic et des vitesses sur la voie réaménagée (stress, bruit, émissions de gaz à effet de serre …).

La variante 1 (barreau de Ventillon) impacterait sensiblement la zone agricole, minimiserait les ouvrages et les distances parcourues, et éloignerait les nuisances d’une bonne partie des habitations riveraines de la RN 569. Elle rapprocherait le débouché sur la RN 568 de celui des voies portuaires, les rendant plus attractives.

La variante 2 (aménagement de l’existant) diminuerait peu les nuisances pour les populations riveraines. Elle serait plus favorable à l’implantation d’un pôle d’échanges multimodal (PEM) à Fos-Lavalduc.

La variante 3 (barreau des étangs) impacterait lourdement l’environnement naturel et couperait la commune de Fos-sur-Mer de ses espaces naturels. Elle augmenterait le trafic sur la déviation de Port-de-Bouc, rendant plus délicate son exploitation, ainsi que ses débouchés. Elle créerait un nouvel aspirateur à voitures, bien éloigné des objectifs du projet.

La déviation des poids lourds par les voies portuaires, mise en place depuis l’été 2018, a prouvé son efficacité : 60% du trafic concerné l’emprunte. Une requalification urbaine de la RN 568 (couplée à la mise en œuvre de la variante 1) permettrait d’amplifier ce report, pour le plus grand bien des habitants de Fos.

Mettre en œuvre la stratégie nationale bas carbone, viser la neutralité carbone

Le territoire doit participer à cette stratégie adoptée à l’échelle mondiale, européenne, nationale. Il est même un de ceux dont la contribution doit être le plus significative, étant lui-même à l’origine d’importantes consommations de carburant et d’émissions de gaz à effet de serre (industrie, trafics maritimes et routiers). Cela peut être obtenu :

  • par une maîtrise de la croissance des trafics, y compris maritimes : tout n’est pas bon à prendre (exemple des exportations – illégales – de déchets vers la Chine, fort heureusement stoppées depuis peu)
  • par un report maximal des trafics terrestres vers les modes massifiés (fluvial et ferroviaire)
  • par une maîtrise de la consommation du mode routier, via notamment la limitation des vitesses maximales autorisées et l’évitement des congestions
  • par une mutation du mode routier vers une motorisation moins impactante pour l’environnement, globalement (GNV) ou localement (électrique, hydrogène).

Ces derniers modes ou vecteurs (électrique, hydrogène) doivent être envisagés dans le cadre d’une stratégie globale de production « propre », à partir d’énergies renouvelables, dans lequel le territoire concerné doit prendre toute sa part : le surplus instantané d’électricité d’origine renouvelable doit être transformé en hydrogène (H2) puis, au moins en partie, grâce au procédé de méthanation©, combiné en méthane (CH4) à partir du gaz carbonique (CO2) puis en GNV, contribuant ainsi particulièrement à l’objectif de neutralité carbone.

Préserver la ressource en eau

La circulation de nombreux poids lourds, dont certains transportent des matières dangereuses, est  sujette à des risques d’accidents et de déversement, mais également source d’une pollution chronique des eaux de ruissellement des chaussées. L’engagement de projets d’infrastructures doit être l’occasion prioritaire de réaliser des travaux permettant la collecte et la filtration des eaux d’écoulement des chaussées et la retenue des substances dangereuses en cas d’accident, tout particulièrement (mais pas seulement) à proximité des points de captage de l’eau potable.

Préserver les espaces naturels, agricoles et forestiers (et la biodiversité)

Avant d’envisager, comme c’est trop souvent le cas, de « compenser » les surfaces prises au milieu naturel, à l’agriculture, à la forêt et, plus globalement, à la biodiversité, ce qui n’a souvent que peu de sens  (les terres sont rarement re-naturées, ne sont pas de la même qualité agrobiologique, les espèces animales et végétales sont détruites), l’objectif est bien d’abord, dans la séquence ERC, d’éviter de consommer ces espaces, ou, dans le pire des cas, de réduire au maximum cette consommation et les impacts du projet sur ces milieux.

On voit clairement que tous les tracés nouveaux, les élargissements, les échangeurs … constituent (sauf espaces déjà anthropisés) autant d’atteintes aux espaces naturels, agricoles et forestiers, alors même que la priorité doit être, dans les espaces urbains et périurbains, à la reconstitution de trames vertes et bleues.

Alors OUI un projet est nécessaire pour peu qu’il réponde, mieux que le projet présenté, aux objectifs visés. Et son financement doit en être assuré par celles et ceux qui en tireront le bénéfice (GPMM, transporteurs, chargeurs), en sus des 220 M€ par apportés par l’Etat qu’il convient d’attribuer aux externalités positives liées à la protection de l’environnement et de la santé de la population.