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Assassinat de Mehdi Kessaci : quand la violence veut faire taire les militants

L’assassinat de Mehdi Kessaci, 20 ans, abattu en plein jour à Marseille le 13 novembre, a été un énorme bouleversement. Frère cadet d’Amine Kessaci, militant écologiste et figure de la lutte contre le narcobanditisme, il est rapidement apparu comme la victime d’un crime d’intimidation, et non d’un simple règlement de comptes anonyme.

Pour les autorités comme pour de nombreux observateurs, le fait que Mehdi Kessaci , inconnu des services de police, soit le frère d’un militant très exposé rend hautement plausible la thèse d’un message envoyé par les réseaux criminels à ceux qui osent contester leur emprise.

La peur qui s’étend aux militants et aux travailleurs de terrain

Dans les jours qui ont suivi la mort de Mehdi Kessaci, le choc s’est propagé à tout le tissu associatif, où certains militants ont choisi de se taire ou de se mettre en retrait, redoutant d’être à leur tour ciblés. Des témoignages recueillis auprès d’habitants et d’acteurs associatifs montrent une peur diffuse : prendre la parole contre le trafic, organiser une marche ou soutenir les familles de victimes peut désormais être perçu comme une prise de risque personnelle.​

Cette pression ne touche pas uniquement les militants anti‑drogue. Des reportages décrivent des travailleurs sociaux menacés dans certains quartiers, parlant d’une « dictature par la peur » imposée par les réseaux, au point que des équipes renoncent à intervenir sur place tant que leur sécurité n’est pas garantie. Fonctionnaires, bénévoles associatifs, avocats engagés auprès des familles de victimes : tous décrivent un même climat d’intimidation, où la puissance de feu des trafiquants se traduit en chantage permanent sur la parole publique.​​

Une alerte pour toutes les causes militantes

Le message envoyé par les assassins dépasse le seul combat d’Amine Kessaci contre le narcotrafic : il signifie à tous les citoyens engagés que s’opposer à des intérêts violents peut exposer leurs proches.

Cette stratégie de la peur fragilise le principe même d’engagement bénévole, en transformant parfois des prises de parole en potentiel acte de bravoure. En ciblant un proche plutôt que le militant lui‑même, les réseaux criminels cherchent à montrer qu’aucune sphère – ni familiale, ni associative – n’est à l’abri, installant un doute qui dépasse les frontières politiques ou les causes défendues.

Au-delà de Marseille, la portée symbolique de l’affaire est lourde : quand la contestation citoyenne est rendue dangereuse, la démocratie locale s’appauvrit. Les militants qui défendent des causes très diverses — environnement, droits des victimes, urbanisme, lutte contre la corruption ou le trafic — peuvent se retrouver face aux mêmes méthodes d’intimidation.

Sans militantisme actif, de nombreux sujets brûlants pourraient sombrer dans l’omerta. Cesser d’en parler reviendrait à laisser gagner la stratégie de la peur.

L’assassinat de Mehdi réactive donc une question centrale : jusqu’où la société laissera-t-elle se développer des zones d’impunité où la violence sert à discipliner l’engagement civique ?


Crédit photo – source: flickr.com / author: Gustave Deghilage