Le 9 septembre, au tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence, s’est ouvert le procès de la décharge sauvage hors norme située à Entressen, sur des terrains agricoles à cheval entre Istres et Saint-Martin-de-Crau.
Depuis plus de six ans, ce site accueille illégalement des déchets du BTP, mais aussi des déchets ménagers, parfois brûlés à l’air libre, avec de graves conséquences pour l’environnement et la santé des riverains.
Une pollution massive au cœur de la plaine de la Crau
“Pour l’argent”, parce que “le foin, ça ne rapporte plus maintenant”, c’est en ces termes que l’accusé justifie avoir stocké, et brûlé en partie, toutes sortes de déchets pendant plus de 6 ans, portant de graves atteintes à l’environnement et des nuisances permanentes aux riverains.
Sur environ cinq hectares, des centaines de monticules atteignant parfois plusieurs dizaines de mètres se sont accumulés. Les déchets débordent jusqu’à de petits étangs qui communiquent directement avec l’étang d’Entressen. Des excavations creusées dans le sol menacent par ruissellement la nappe phréatique de la Crau, ressource essentielle et fragile. Les brûlages récurrents de l’hiver 2024-2025 ont dégagé des fumées plastiques nocives, signalées par de nombreux habitants.
Cette zone est pourtant reconnue pour sa richesse écologique : classée en Natura 2000 et au titre de Znieff, elle abrite près de soixante-dix espèces d’intérêt écologique.
Les poursuites judiciaires contre l’entreprise familiale
Deux hommes comparaissent pour cette affaire : Jean-Luc Girard, propriétaire des parcelles et gérant de la société familiale Le Vallon d’Entressen, ainsi que son fils Florian. L’entreprise est accusée d’avoir exploité une activité classée pour la protection de l’environnement (ICPE) sans autorisation entre 2019 et 2024, et d’avoir maintenu son activité malgré un arrêté préfectoral en 2022 ordonnant la fermeture et la remise en état du site.
Le parquet requiert la dissolution de la société, la confiscation des terrains au profit de l’État et des peines d’amende allant jusqu’à 50 000 € par personne, ainsi que des interdictions professionnelles. Des peines de prison avec sursis sont également demandées.
FNE 13 partie civile
France Nature Environnement Bouches-du-Rhône (FNE 13), partie civile dans le procès, a dénoncé avec fermeté l’ampleur de cette pollution. Notre avocate, Me Isabelle Vergnoux, a rappelé que les atteintes au milieu naturel sont considérables, alors que ni l’État ni l’entreprise n’ont mis en œuvre le suivi environnemental pourtant exigé depuis janvier 2025.
FNE 13 réclame :
- une interdiction des prévenus d’exercer toute activité liée au traitement des déchets,
- la reconnaissance du préjudice moral et écologique,
- et surtout une remise en état effective des lieux, aux frais de l’exploitant.
Une illustration des trafics de déchets
Pour la présidente du tribunal, l’exploitation menée par les prévenus ne relève pas d’une simple négligence, mais d’un choix délibéré, motivé par des intérêts financiers aux dépens de la santé publique et de l’environnement. Elle a comparé ce trafic de déchets à un “trafic de stupéfiants” tant son impact est massif.
Des voisins, agriculteurs eux-mêmes, ont également témoigné du danger que représente la poursuite de cette décharge pour la production de foin de Crau AOP, menacée de déclassement.
Pour Stéphane Coppey, administrateur FNE13 en charge du juridique, une question essentielle subsiste : “bien que destinataire de plusieurs courriers de FNE13 depuis septembre 2024, la mairie d’Istres a découvert ce dossier et s’est constituée partie civile à la veille du procès (pourtant déjà reporté de 7 mois), donnant des arguments aux prévenus pour demander un nouvel ajournement de l’audience, auquel n’ont, fort heureusement, pas accédé les magistrats. Plutôt que jouer la procédure, peut-être la mairie d’Istres peut-elle nous instruire sur l’origine des déchets stockés au Vallon d’Entressen ?
Verdict attendu en novembre
La décision du tribunal sera rendue le 27 novembre 2025. En attendant, ce procès rappelle l’urgence d’agir face aux trafics de déchets qui gangrènent nos territoires et polluent durablement des milieux naturels et agricoles précieux.
FNE 13 restera mobilisée pour que justice soit rendue et que des actions rapides soient entreprises pour restaurer les milieux affectés, protéger la nappe phréatique de la Crau et mettre fin à l’impunité dans ce type de dossier.
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