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Pollution au Chrome VI : le poison qui persiste

À Marseille, la pollution au chrome hexavalent – le chrome VI – continue de menacer durablement les milieux aquatiques et la santé des riverains, en particulier dans les quartiers Nord. Le ruisseau des Aygalades, déjà fragilisé par des décennies de pressions urbaines et industrielles, est au cœur de cette contamination qui s’étend aussi à ses eaux souterraines.

Depuis au moins 2013, des mesures montrent des concentrations significatives de chrome VI dans le ruisseau des Aygalades et sa nappe, bien au‑delà de ce qui est acceptable pour un milieu déjà très artificialisé (Taux de chrome VI plus de 4 fois supérieurs aux obligations de la préfecture). Ce petit cours d’eau, largement busé, canalisé et longtemps oublié dans l’urbanisme marseillais, reçoit à la fois des rejets industriels, des eaux usées et des ruissellements chargés en polluants.

Les pollutions se cumulent : aux métaux lourds comme le chrome VI s’ajoutent des substances émergentes, dont des PFAS récemment signalés comme un nouveau point de vigilance par l’agence de l’eau. Le ruisseau devient ainsi l’exemple emblématique d’un écosystème urbain « malade », où les choix d’aménagement passés pèsent lourdement sur la qualité de l’eau et sur les usages futurs.

Un polluant cancérogène et persistant

Le chrome VI est un métal lourd utilisé dans de nombreux procédés industriels (traitement de surface des métaux, chimie, pigments) et classé cancérogène certain pour l’être humain. L’exposition prolongée, par ingestion ou inhalation, est associée à une augmentation des cancers du poumon, ainsi qu’à des atteintes cutanées et à des risques pour le système digestif et rénal.​

Dans un cours d’eau comme les Aygalades, la solubilité et la mobilité du chrome VI en font un polluant particulièrement problématique, susceptible de se déplacer dans la nappe, de se concentrer dans les sédiments et de compromettre tout projet de réappropriation du ruisseau par les habitants. Malgré un encadrement plus strict de ses usages, le passif accumulé rend la dépollution lente et complexe.​

Satys, nouvel actionnaire du groupe responsable de la pollution, continue de retarder les opérations de dépollution du cours d’eau, pourtant destiné à réapparaître à l’air libre au sein des parcs Bougainville et des Aygalades.

Des réponses publiques encore incomplètes

Les services de l’État reconnaissent la nécessité de surveiller la qualité des eaux de surface et souterraines du bassin des Aygalades, avec un suivi régulier de certains paramètres et des inspections sur les installations classées voisines. Néanmoins, les données disponibles restent fragmentaires et difficiles d’accès pour le grand public, ce qui nourrit une forte attente de transparence de la part des associations et des riverains.​

Dans le même temps, la planification urbaine avance avec Euroméditerranée, parfois plus vite que la restauration écologique du ruisseau, faisant craindre des aménagements « vitrines » posés sur un milieu toujours fortement contaminé. Sans stratégie claire de réduction à la source des pollutions et de dépollution des sols et sédiments, les projets de renaturation risquent de rester largement symboliques.

Ce que demande France Nature Environnement Bouches‑du‑Rhône

Face à cette situation, notre fédération demande :

  • La publication complète, régulière et compréhensible des résultats de surveillance du ruisseau des Aygalades et de sa nappe (chrome VI, PFAS, autres substances dangereuses), incluant un historique permettant de suivre l’évolution réelle de la qualité de l’eau.​
  • L’identification et la réduction à la source de toutes les contributions industrielles et urbaines à la pollution du bassin versant, avec des échéances publiques et des sanctions en cas de manquement.​
  • L’intégration prioritaire de la dépollution du ruisseau et de ses berges dans les objectifs d’Euroméditerranée, en conditionnant tout projet de valorisation paysagère à des garanties sanitaires et environnementales robustes.​
  • Une véritable concertation avec les habitants et les associations, afin que la reconquête du ruisseau ne soit pas seulement un outil de marketing urbain, mais un levier réel d’amélioration de la santé et de la qualité de vie dans les quartiers Nord.​

Il n’y a pas d’audience prévue à date pour ce dossier selon le Parquet de Marseille. France Nature Environnement Bouches-du-Rhône envisage le dépôt d’une plainte et la possibilité de se constituer partie civile le cas échéant.


Photo © CC Source: flickr.com / Auteur: infospacer